Marceline Desbordes-Valmore, une icône oubliée de la poésie romantique

Si l'on considère souvent le XIXe siècle comme le Grand Siècle du roman, c'est avant tout parce que les schémas de reconnaissance et d'acquisition de position dominante dans le champ littéraire se fait dorénavant à travers une écriture en prose, contrairement au XVIe et XVIIe siècle, où les poètes tels Ronsard ou Agrippa d'Aubigné, tenaient leur position d'une poésie versifiée. Malgré tout, considérer le XIXe siècle comme le moment historique d'une voie unique de la littérature serait méconnaître des mouvements et des explorations stylistiques, qui ont bouleversé à la fois l'esthétique et la rhétorique de l'écriture. De plus, il faut remarquer que de nombreux auteurs ont pratiqué une écriture hybride, mêlant prose et poésie. Victor Hugo, n'a jamais cessé de pratiquer une poésie souvent militante, reflet de son rejet des tentatives autoritaires de Napoléon III. René de Chateaubriand, à la fois auteur de René, Lettre sur la campagne romaine, Atala,  s’essaie à une poésie  idyllique. Alfred de Musset passe d'une poésie lyrique à des œuvres, drames (On ne badine pas avec l’amour) et romans confondus (Lorenzaccio),  aux motivations autobiographiques.

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Plassans et La Fortune des Rougon : les origines tumultueuses des Rougon-Macquart

Premier volume de la série des Rougon-Macquart, La Fortune des Rougon (1871) pose les bases de cette fresque romanesque dédiée à l'étude des passions humaines et des déterminismes sociaux à travers l'histoire d'une famille sous le Second Empire. Ce roman constitue une genèse : il explique les origines de la famille Rougon-Macquart et dévoile les luttes sociales et politiques qui caractériseront toute l'œuvre. Emile Zola pose les bases de sa visée généalogique qui va disséquer la destinée d'une famille et de sa descendance, soumis à l'atavisme. 

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Le Mal du Siècle chez Alfred de Musset : Analyse et Signification d’un Phénomène Romantique

Alfred de Musset a laissé une œuvre considérable. Né à Paris le 11 décembre 1810 et mort dans la capitale, son oeuvre la plus célèbre, Lorenzaccio, figure parmi les pièces revendiquées par la production  théâtrale contemporaine, et sa poésie participe certainement, à titre monographique ou au sein d’anthologies de littérature romantique(à côté de Victor Hugo ou de Lamartine), de la permanence du courant romantique. Dramaturge, prosateur, poète, il laisse une œuvre panthéonisée, inscrite à l’étude de l’institution scolaire et réinventée par les troupes contemporaines. La Confession d’un enfant du siècle ne propose pas une écriture univoquement tournée vers la relation au moi. Le roman transcende l’évocation des épisodes personnels pour imposer une vision historisée de l’humeur de l’époque, en définissant un chronotope particulier, celui des jeunes romantiques français sous la Monarchie de Juillet.

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La vieillesse dans Thérèse Raquin : une étude de cas

Le jeunisme artistique n’a pas vraiment de place dans la littérature du XIXe siècle. Néanmoins,  la figure de la personne âgée n’apparaît qu’en situation de miroir par rapport aux héros narratifs. Le plus souvent, le vieillard forme couple avec un alter ego plus jeune, en incarnant des métaphores dialectiques qui se complètent, s’affrontent ou se renforcent : le père Goriot/Rastignac incarnent de manière antithétique l’ambition et l’abnégation paternelle; Jean Valjean/Cosette représentent deux formes d’humanité sacrifiées, la figure paternelle protectrice répondant à la pureté juvénile; Don Quichotte et Sancho Panza : l’idéalisme et  ses rêves chevaleresques contre la sagesse pratique et le bon sens paysan. 

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Utopies finales : les Quatre Evangiles d'Emile Zola

La bibliographie d’Emile Zola est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Si le mouvement spontané pousse les lecteurs à citer la succession de romans qui composent les Rougon-Macquart, des œuvres plus anonymes complètent le panorama. Comme souvent chez Zola, ces compositions répondent à un dessein. Au cœur du  cycle des trois villes, Lourdes évoque le défi de la science contre la foi mais aussi l’exploitation de la religion à des fins commerciales. Inachevés, Les quatre Évangiles constituent un legs testamentaire étonnant, incursion tardive dans une écriture à la limite de la science-fiction, qui va réunir, au nom d’une ode au travail, à la famille et au courage ouvrier, désignant sous les titres Fécondité, Travail et Vérité, les vertus canoniques du futur. Le quatrième opus, Justice n’a été esquissé dans les célèbres notes préparatoires.

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Un toponyme littéraire significatif : La ville de Saumur dans Eugénie Grandet

La toponymie littéraire est l'étude des noms de lieux dans les œuvres. Cette science, concurrente de l'onomastique qui prend en charge le nom propre, met en avant un élément du réel, le lieu, qui joue constamment de la distance entre le fictionnel et le vérifiable, le tangible et l'imaginaire. Immédiatement identifiable, le toponyme peut être utilisé pour explorer des territoires métaphoriques,  réductions représentatives  des thématiques envisagées. 

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La nouvelle “Rose” de Guy de Maupassant : Les rapports de classe au défi du désir

“Rose” est une courte nouvelle de Guy de Maupassant publiée en 1884. Forme de confession  narrative entre deux femmes du monde au cours d'une promenade en calèche,  le jour de la fête des fleurs à Nice, la nouvelle rapporte le récit de l'arrestation de Rose, servante dévouée et austère au service de l’une d’elle, qui se révélera être un homme accusé de meurtre et de viol.  En abordant de manière directe les thèmes tabous de la sexualité, du travestissement et des questions de genre, Maupassant compose un récit ambigu, où la forme novellisée,  de par ses caractéristiques (brièveté, concentration de l’intrigue, visée morale), n'offre pas de réponse absolue.   Le trouble sexuel, notamment marqué par les derniers mots de la nouvelle où le regard de Madame est qualifié de sphinx, impénétrable et mystérieux, suppose une équivoque englobant les rapports de classe entre maîtres et serviteurs et l’attirance sexuelle due à la promiscuité spatiale et émotionnelle . 

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Le titre dans l'élaboration de l'éthos de l'auteur. Les romans humoristiques de San-Antonio.

Le titre est le premier contact du lecteur avec le texte. Sous forme d'invite, court, nominalisé, intriguant ou humoristique, il recense à lui seul un faisceau générique et sémantique qui forme un canvas que le corps du texte va venir réactiver ou pas. Pierre Bayard a démontré, dans Comment parler des livres qu'on n'a pas lu, que la simple évocation du titre peut servir de support à un discours approfondi, pour peu qu'il puisse déclencher des remémorations d'indices contingents suffisants : genre, auteur, sujet.  Leo Hoek , théoricien fondateur  de la titrologie moderne reconnu par  Gérard Genette, a entrepris une étude exhaustive sur les titres dans son essai La Marque du titre, dispositifs sémiotiques d'une pratique textuelle . Il y recense toutes les formes que peuvent prendre la syntaxe, la sémantique, la sigmatique et la pragmatique du titre. Selon lui, "le titre a la primauté sur toutes les autres éléments composant le texte. Nous parlons ici de primauté dans un sens double : le titre est à la fois cet élément du texte que l'on perçoit le premier dans un livre, mais aussi un élément autoritaire, programmant le texte. Cette suprématie de fait influence toute interprétation possible du texte."

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L'écriture synesthésique de Vladimir Nabokov,.

Vladimir Nabokov souffrait d’un mal qui semble affecter un certain  nombre d'auteurs, la synesthésie, aussi connue sous le nom de synesthésie « graphèmes-couleurs », affection où  les lettres de l'alphabet et les nombres peuvent être perçus en couleur. La synesthésie fait l’objet de nombreuses études entre 1860 et 1930, années pendant lesquelles des conférences internationales européennes eurent lieu, avant de sombrer dans l’indifférence. Un certain regain d’intérêt  pendant les années 1980, un siècle après sa première apparition dans l’histoire des sciences médicales. a permis des avancées médicales. Contrairement à des troubles neurologiques, la synesthésie n'est pas considérée comme une pathologie ou une maladie. Les personnes synesthètes ne souffrent généralement pas de cette condition ; au contraire, beaucoup la perçoivent comme un enrichissement de leurs perceptions sensorielles. Les études ont montré que les synesthètes peuvent avoir une mémoire améliorée pour certaines informations, comme les dates ou les noms, grâce aux associations supplémentaires qu'ils font entre les sens.

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Déclassement et marginalité dans la littérature américaine. Cas croisés de Raymond Carver et Hubert Selby, Jr.

La littérature américaine accueille des auteurs qui sont moins soumis à des conditions d'émergence hétéronomes. Les institutions littéraires, les maisons d'éditions, les structures de parution, à la fois plus nombreuses, moins centralisées et plus susceptibles de prendre en charge un discours du réel, entreprennent de bouleverser la vision prescriptive  de la définition légitime de l'art et de l'artiste. En acceptant des entrants qui ne sont pas issus du processus habituel de la consécration littéraire (université, atelier d'écriture),   les instances de .promotion américaines stimulent la consécration d' œuvres  iconoclastes. Si le héros déclassé est un topos (Les raisins de la Colère de John Steinbeck, Americana de Don DeLillo, Sale temps pour les braves de Don Carpenter), la figure de l'auteur marginalisé entre en résonnance avec l'acte d'écriture. L'œuvre romanesque manifeste un jeu d'indices autobiographiques, où les effets du réel viennent menacer les caractéristiques du roman et où le je autobiographique affleure dans le texte. Raymond Carver er Hubert Selby sont deux exemples de ces marginaux de l'écriture, dont la vie chaotique a stimulé une écriture nerveuse, syncopée,  au profit de l'évocation de vies aussi mutilées que les leurs. 

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Victor Hugo et les prénoms féminins

Victor Hugo, dans son œuvre monumentale Les Misérables, interroge l'identité du peuple pour en faire un acteur essentiel du drame social à travers l'utilisation des noms propres, qui servent non seulement à identifier ses personnages, mais aussi à ajouter une dimension ontologique à leur caractérisation. Le nom hugolien, dans Les Misérables, est à la fois présence, à travers une inflation hyperbolique du nom dans le texte et en titre de chapitre, mais aussi absence par le phénomène de réversibilité et d'invisibilisation du nom.

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