La bibliographie d’Emile Zola est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Si le mouvement spontané pousse les lecteurs à citer la succession de romans qui composent les Rougon-Macquart, des œuvres plus anonymes complètent le panorama. Comme souvent chez Zola, ces compositions répondent à un dessein. Au cœur du cycle des trois villes, Lourdes évoque le défi de la science contre la foi mais aussi l’exploitation de la religion à des fins commerciales. Inachevés, Les quatre Évangiles constituent un legs testamentaire étonnant, incursion tardive dans une écriture à la limite de la science-fiction, qui va réunir, au nom d’une ode au travail, à la famille et au courage ouvrier, désignant sous les titres Fécondité, Travail et Vérité, les vertus canoniques du futur. Le quatrième opus, Justice n’a été esquissé dans les célèbres notes préparatoires.
Travail, qui établit les théories de Charles Fourier, penseur social utopiste du XIXe siècle qui imaginait une société idéale basée sur l'harmonie et le bonheur de chacun. Il critiquait vivement le système capitaliste et proposait une alternative de production basée sur le phalanstère,
Le roman Travail appartient à un cycle de quatre romans, les Quatre Évangiles (1899-1903) qu'Émile Zola a conçu après avoir terminé son célèbre cycle des Rougon-Macquart. Zola, vieillissant et se trouvant dans un contexte politique troublé (notamment avec l'affaire Dreyfus), tourne son écriture vers une réflexion sur les valeurs morales, sociales et spirituelles, s'éloignant ainsi du naturalisme pur qui caractérise l'ensemble de son œuvre précédente. Dans la Bible, quatre évangiles sont reconnus comme canoniques par les Églises chrétiennes : les évangiles dits “selon Matthieu, Marc, Luc et Jean”. Ils forment la partie la plus longue du Nouveau Testament et sont appelés l'Évangile. Les autres évangiles sont dits apocryphes. Si les quatres romans ne projettent pas la reconnaissance dans la foi chrétienne, le lecteur peut relever un jugement téléologique qui proclame la foi dans l’humanité. Dans les Quatre Évangiles, Zola emprunte à la tradition utopique pour proposer sa vision d’une société idéale, mais il s’inscrit aussi dans une continuité réaliste et scientifique. L'utopie chez Zola n’est pas simplement un rêve abstrait, mais un projet ancré dans une analyse critique des réalités sociales de son temps. Zola, profondément marqué par les inégalités sociales observées dans les Rougon-Macquart, conçoit l’utopie comme une réponse aux injustices générées par le capitalisme, l’exploitation ouvrière et l’oppression religieuse.
Le projet initial de Zola pour ces romans était de proposer une vision utopique de la société, fondée sur des valeurs humanistes et progressistes. Chaque roman devait représenter un idéal humain ou social, articulé autour de quatre grands principes : Fécondité, Travail, Vérité et Justice. Ces thèmes évoquent une sorte de réécriture moderne des Évangiles chrétiens, mais dans une perspective laïque et positiviste, héritée du rationalisme et du scientisme de Zola. L’utopie est un thème central dans le cycle des Quatre Évangiles d’Émile Zola, en particulier dans le roman Travail (1901), où l’auteur imagine une société idéale fondée sur le progrès, la justice sociale et la coopération. L'utopie, en tant que concept littéraire et philosophique, renvoie à la création d'une société idéale où les problèmes sociaux, économiques et politiques sont résolus, souvent en contraste avec les injustices et les dysfonctionnements des sociétés réelles. Dans Travail, l’utopie prend forme à travers la création de la ville idéale de Beauclair, fondée par Luc Froment. Cette ville représente un modèle de société où les relations entre les individus sont basées sur l'entraide, la coopération et la solidarité, au lieu de la compétition et de l'injustice qui caractérisent les sociétés industrielles de l’époque. Dans les Quatre Évangiles, Zola emprunte à la tradition utopique pour proposer sa vision d’une société idéale, mais il s’inscrit aussi dans une continuité réaliste et scientifique. L'utopie chez Zola n’est pas simplement un rêve abstrait, mais un projet ancré dans une analyse critique des réalités sociales de son temps. Zola, profondément marqué par les inégalités sociales observées dans les Rougon-Macquart, conçoit l’utopie comme une réponse aux injustices générées par le capitalisme, l’exploitation ouvrière et l’oppression religieuse. Dans Travail, Zola s'inspire des idées de réformateurs sociaux comme Charles Fourier et Robert Owen, deux figures importantes des mouvements utopistes du XIXe siècle.
Le système économique de Beauclair repose sur la coopération entre ouvriers, ingénieurs et patrons, chacun partageant équitablement les fruits du travail. Ce modèle économique est présenté en opposition au capitalisme, qui génère inégalités et exploitation. L'usine n’est plus un lieu d’asservissement, mais un espace où chacun a sa part de responsabilité et de bénéfice. Zola prône l’idée que l’économie doit être au service de l’homme, et non l’inverse.
Zola imagine une société où les inégalités sociales sont éradiquées. Chaque individu a droit à un travail, une éducation et des conditions de vie décentes. L’accès à l’éducation, notamment, est un élément fondamental de l’utopie zolienne. Pour lui, l'instruction permet de former des citoyens éclairés, capables de contribuer au progrès de la société. Zola développe également l’idée que le progrès technique, s’il est bien utilisé, peut être un outil de libération pour l’humanité. Les machines, loin d’être des instruments d’asservissement, doivent permettre aux hommes de travailler moins et de mieux jouir de leur existence. Il montre que la technologie peut être harmonisée avec le respect de l'environnement et de la nature.
Zola conçoit son utopie comme une réponse directe aux crises sociales de la fin du XIXe siècle : l’industrialisation rapide, l’exploitation des classes ouvrières et les inégalités croissantes entre riches et pauvres. La société décrite dans Travail est l'antithèse de celle qu'il a dépeinte dans ses romans naturalistes comme Germinal ou L'Assommoir, où la misère ouvrière et la brutalité du capitalisme écrasaient les individus. À travers Luc Froment, Zola présente le personnage-type de l’utopiste : un ingénieur idéaliste qui refuse de se résigner à la réalité sociale telle qu’elle est et qui se bat pour créer une nouvelle société fondée sur la justice, le travail partagé et la solidarité. Le parcours de Luc incarne l’espoir qu’une transformation sociale est possible, mais il souligne aussi que cela nécessite des efforts, des sacrifices et une vision claire.
L’utopie que Zola développe dans Travail a été critiquée à son époque pour son caractère trop idéaliste, voire naïf. Certains critiques ont estimé que le modèle social qu'il proposait était impraticable dans le monde réel. D'autres ont jugé que le roman manquait de la puissance dramatique des Rougon-Macquart et que son didactisme prenait trop le dessus sur la narration.
Cependant, malgré ces critiques, Travail reste une œuvre marquante, car elle exprime la foi de Zola dans le progrès et dans la capacité de l’humanité à surmonter ses divisions pour construire un avenir meilleur. Contrairement à ses précédents romans naturalistes, où le déterminisme social et biologique écrasait souvent les personnages, Zola imagine ici une société où l’homme peut se libérer de ces fatalités.
Dans les autres romans du cycle, l’utopie reste présente, bien que sous des formes différentes : Dans Fécondité, l’utopie réside dans la vision d’une société régénérée par la fécondité et la famille nombreuse, perçues comme les piliers de la prospérité collective. Dans Vérité, Zola imagine une société où l’éducation et la vérité triomphent de l’obscurantisme religieux et des injustices sociales. Justice, bien que resté inachevé, devait prolonger cette réflexion utopique en abordant les questions de justice sociale et de distribution équitable des richesses.
L'oubli dans lequel est tombée cette fresque humaniste tient dans les transformations d’écriture, où le lectorat envisage Zola comme un” idéologue désuet , tant laborieux urbaniste que planificateur pataud de la cité future (1)”. Il faut pourtant souligner l'effort ultime d'Émile Zola pour revendiquer dans les dernières années de sa vie une utopie humaniste qui est souvent réservée aux tendres pousses. Oser l'utopie, c'est aussi oser l'espoir dans l'homme et dans l'avenir. Le contraste avec le pessimisme morbide des Rougon-Macquart est frappant, comme si l’inclinaison ultime de l’écrivain le poussait vers une lumière.
(1) François Angelier, Son nouveau Testament, in Lire Magazine littérair
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